Le Collectif Curry Vavart a le plaisir de vous inviter au vernissage de la 45e exposition du CP5 :
Le pont bleu de la rue Riquet est une passerelle entre les 18e et 19e arrondissements, il franchit la barrière artificielle des rails et prend la forme d’un lieu de passage local au-dessus des voies de communication internationales de la gare de l’Est.
Symbole d’une démarcation, le pont matérialise une frontière et sépare autant qu’il relie deux quartiers emblématiques du nord de Paris.
Le pont est devenu ces dernières années le théâtre d’affrontements de bandes constituées d’enfants et d’adolescents. Tous ont en commun de vivre dans des environnements populaires où le désœuvrement génère des tensions au sein d’un même milieu social.
A l’Est du pont bleu, les orgues de Flandres, logements sociaux situés au milieu de l’îlot Riquet, antichambre des anciens abattoirs de Paris. Ce quartier morne subit encore les contrecoups de l’urbanisme obsédé de gigantisme des années 1950 à 1970. On y trouve le cinquième édifice le plus haut de Paris.
Plus au nord la cité Curial-Cambrais, gigantesque ensemble émerge du néant dans les années 1960. Des sensations de vide et de désorientation saisissent les visiteurs dès les jardins d’Eole, où malgré les noms exotiques de la rue de Tanger ou de la rue du Maroc, les trottoirs sont désespérément vides. Le 104 y a été installé avec la volonté de désenclaver ce quartier au moyen d’une dynamique culturelle.
A l’ouest du pont bleu, le quartier Marx Dormoy - La Chapelle contraste avec l’autre rive par sa vivacité, l’animation des rues et la diversité des commerces.
L’auberge de jeunesse de la Halle Pajol est cernée de « petits bar sympas » et le Marché de l’Olive tend les bras a côté de la rue Riquet. Pourtant il ne s’agit là que d’une oasis d’effervescence, il suffit de remonter vers le nord pour trouver les même cités semées tout autour de la porte de La Chapelle où existe le même phénomène de paupérisation que dans les grands ensembles l’autre côté du pont bleu.
Les affrontements de bandes sur le pont bleu de la rue Riquet sont spectaculaires pour plusieurs raisons. Le nombre de participants peut dépasser une cinquantaine de personnes. Il n’est pas rare de croiser des jeunes de 7 ou 8 ans armés de bâtons plus longs que leur taille d’enfant. Ces bagarres « tout public » mobilisent une grande variété d’armes.
Des enfants de l’école primaire, du collège ou même du lycée se réunissent dans des nuées hétéroclites de combattants armés de bouteilles de verre, de branches d’arbre, de gazeuses au poivre, de barres de fer, de planches, de casques de moto, de pierres et bien sûr de jurons fleuris. Ces bastonnades entre jeunes du 18e et du 19e prennent des degrés variés. Il y a les simples provocations verbales où les antagonistes sont impressionnés par leurs nombres respectifs et se contentent de jeter quelques projectiles et insultes. Il y a également les chorégraphies similaires au jeu de l’épervier, qui se composent de vagues successives d’allers-venues d’une bande vers l’autre, et les coups sont rares et fugaces tant les combattants se déplacent rapidement.
Enfin il y a la violence impulsive et farouche qui peut se déchainer si un membre d’une bande s’aventure trop loin dans la mêlée et se retrouve encerclé. Ces affrontements néo-guerre-des-boutons sont un moyen de s’amuser et de régler des comptes liés à des histoires annexes. Nombreux sont les participants excités par le phénomène de meute et de violence au corps à corps. Même si les rires sont aussi présents que les expressions de haine, la violence est bien réelle.
C'est dans ce contexte que plusieurs artistes du collectif Curry-Vavart ainsi que d'autre témoins ont choisi de proposer une exposition dédiée a ce phénomène qui dure depuis presque 3 ans. Le grand portail du Shakirail, souvent ouvert, nous sépare du pont bleu de Riquet tout en nous offrant un point de vue imprenable sur la vie du pont et sur les batailles.
30 gamins à gauche, 30 gamins à droite, parfois plus, parfois moins, prêts à combattre pour l’honneur du quartier.
Ce pont est une démarcation en même temps qu’une ligne de front.
Celui qui prétendrait connaître la vraie raison de cette guerre mentirait.
On dit qu’elle trouve son origine dans les rivalités des grands mais ce sont des enfants qui la jouent, ici la gueule prend plus de place que la guerre. On se moque, on s'injurie, on s’excite, et parfois les coups pleuvent. Au beau milieu des passants, les vagues braillardes d’assaillants pré-pubères affluent et refluent dans un ballet hypnotique de violence esquissée. Haines et rires intimement connectés.
Gare tout de même à celui qui s’y risquerait, de l’autre côté du pont.
Le CP5 est un espace d’expositions artistique éphémère, installé dans le hall d’entrée d’un ancien vestiaire SNCF, complètement habillé de contreplaqué 5mm pour ce projet.
Il y a encore deux ans, ce bâtiment des années 20, situé dans le 18e arrondissement de Paris, accueillait les derniers ouvriers du site SNCF Pajol, actuellement en réaménagement. Le hall d’entrée est une place de choix : seul et unique accès aux vestiaires, douches et réfectoire, utilisés par plusieurs centaines de cheminots chaque jour, des vitrines destinées à l’affichage syndicale occupaient ses murs.
Aujourd’hui, le bâtiment désaffecté a été investi par le collectif d’artistes Curry Vavart en convention avec la SNCF. Des ateliers et bureaux partagés, une salle de répétitions, installés temporairement jusqu’à réhabilitation du bâtiment, reçoivent les artistes et associations membres du collectif.
Investies à plusieurs reprises par les artistes pour présenter leur travail, c’est de ces vitrines qu’est parti le projet du CP5 afin de doter le bâtiment d’un espace d’exposition optimisé.